« Le plan? Je l’ai dans la tête. »

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Ça vous dit quelque chose? Si oui, sachez que vous n’êtes pas seul à l’avoir entendu, ou même exprimé. En effet, une grande proportion des écrits de toute nature n’ont pas été rédigés à partir d’un plan établi en bonne et due forme. Et cela n’est pas seulement le fait d’élèves qui peinent à rédiger un exposé, une dissertation ou encore un compte rendu quelconque. De nombreux auteurs, très compétents dans leur domaine, en arrachent souvent lorsque vient le temps de structurer leurs idées et de coucher sur papier le savoir qu’ils possèdent pourtant sur le bout de leurs doigts… et dans leur tête.

« Pas besoin de carte, je connais le chemin! »

Pour certains, l’idée de devoir faire un plan avant de commencer à écrire est aussi déstabilisante que celle d’avoir à se préparer pour une entrevue d’embauche. D’autres ne savent tout simplement pas comment s’y prendre, ne l’ayant jamais vraiment appris. Pour d’autres encore, faire un plan suppose une profonde réorganisation du contenu, laquelle se heurte à leur propre compréhension du sujet et leur semble ainsi inutile, voire nuisible. Ils ont le chemin en tête, pourquoi se perdraient-ils?

Les raisons qui font qu’on évite de faire un plan avant d’écrire sont aussi nombreuses que variées. Toutefois, pour la plupart des gens, il ne s’agit pas de paresse intellectuelle, mais plutôt d’une méconnaissance du large fossé qui sépare « compréhension du savoir » et « transmission du savoir ». Vous savez de quoi il est question si vous avez déjà tenté de suivre les indications données par quelqu’un qui vous avait dit, sûr de lui : « Je connais le chemin. »

Une transmission à trois rapports pour un texte qui tient la route

Dans la vaste majorité des cas, écrire un texte répond à un objectif : la transmission différée d’un contenu. En cela, il s’agit d’un acte de communication d’abord unidirectionnel, c’est-à-dire que le destinataire ou récepteur n’interviendra, comme émetteur d’une quelconque rétroaction, qu’une fois le texte publié, si tant est qu’il souhaite le faire ou qu’il y soit convié.

Dans cette perspective, l’utilité du plan est qu’il permet de structurer sa pensée et de tenir compte, avant d’écrire, de facteurs qui obligent parfois l’émetteur à corriger le tir, lors d’une communication orale, quand le récepteur montre des signes d’incompréhension – ce qui a pour but d’accroître l’efficacité du message, mais qui s’avère quasi impossible en temps réel par le canal de l’écrit.

La prise en compte de ces facteurs est essentielle pour qu’un texte, peu importe le genre, soit efficace et atteigne sa cible. Et ce sont ces facteurs – le sujet, l’intention et le destinataire – qui détermineront comment tracer le plan et, ultérieurement, écrire le texte.

Le sujet

Le sujet d’un texte, c’est d’abord un thème, une idée maîtresse, un ensemble d’éléments d’information plus ou moins exhaustif et structuré qu’une personne souhaite communiquer. Le contexte de production et les différentes limites imposées quant à la forme, à l’espace, au support, etc., détermineront l’étendue et la profondeur du sujet, lesquelles seront aussi conditionnées par les limites du savoir du rédacteur, son objectif ou son intention et, bien entendu, les caractéristiques du destinataire.

Avant d’écrire le plan, il importe donc de faire le tour de la question et de bien définir le sujet, pour ensuite le préciser, le circonscrire, en tenant compte de ces diverses limites. À cette étape, seuls les idées principales ou mots-clés touchant au sujet précisé seront conservés. Les idées secondaires, détails ou données complémentaires viendront enfin s’y greffer pour étoffer la charpente du texte à venir.

L’intention de communication

L’intention de l’émetteur conditionne non seulement l’étendue et la profondeur du sujet, mais également la forme du texte ou du message. En effet, l’objectif du rédacteur, qui peut être d’enseigner, d’informer, d’expliquer, de convaincre, de distraire, etc., sera plus ou moins bien servi par le découpage, le regroupement et l’ordonnancement des différentes parties du texte.

Une fois les divers éléments du sujet découpés et regroupés, leur ordonnancement devra être établi de façon cohérente, suivant une structure logique qui sera facilement reconnaissable par le destinataire, sans qu’il ait à faire d’efforts en ce sens. Cet aspect est aussi essentiel à l’efficacité du texte, car il en assure la compréhension. Et le plan écrit est le meilleur moyen d’y parvenir.

Le destinataire ou récepteur

On ne le répétera jamais assez : tous les éléments d’un message efficace doivent tenir compte du récepteur. Il en va de même pour un texte écrit. Quel est l’intérêt du destinataire pour le sujet? Quelle est sa connaissance préalable du sujet? Dans quel contexte se trouve-t-il exposé au texte? Quel usage en fera-t-il? Quel est le niveau de langue approprié? Comment faire en sorte qu’il perçoive d’emblée la logique du texte et que sa lecture coule de source?

Ces questions doivent sous-tendre la réalisation de chacune des étapes de la rédaction, à commencer par l’écriture du plan, qui tient lieu d’ossature du texte. En effet, les réponses à ces questions permettront de mieux préciser le sujet, de privilégier ou de mettre de côté certains éléments du contenu, d’établir une structure cohérente et efficace visant la compréhension du lecteur, condition sine qua non à l’atteinte de l’objectif de communication, quel qu’il soit.

Parvenir à destination

Tous les rédacteurs et réviseurs expérimentés vous le diront : réviser un texte qu’on a soi-même écrit est une mauvaise idée. Pourquoi? Parce qu’il est ardu de se détacher suffisamment des phrases qui sont encore fraîches à sa mémoire lorsqu’on les lit sur papier. On ne voit pas les omissions, les lettres inversées, les fautes et les doublons laissés sur le papier parce qu’on n’y lit pas vraiment les mots. On ne fait que repasser le fil de ses idées, celles qu’on suppose avoir correctement transcrites.

De la même façon, le plan qu’on a dans la tête est difficilement utilisable tel quel à l’écrit. Pourquoi? Parce les éléments et liens issus des processus cognitifs qui sous-tendent sa propre appropriation et sa propre compréhension d’un savoir donné ne sont pas linéaires, comme l’est le développement d’un texte, et qu’ils n’émergent souvent jamais spontanément à l’écrit, étant donné que le rédacteur les a déjà en mémoire et qu’ils ne font pas partie du sujet proprement dit. Votre bon samaritain connaissait si bien son chemin qu’il a complètement omis de vous préciser de choisir la voie de gauche une fois rendu à la fourche, qu’il voit depuis longtemps comme une simple courbe…

Écrire un plan permet donc d’inclure tous les éléments pertinents, de supprimer ceux qui sont superflus, de regrouper et d’ordonner l’information selon l’intention de communication et le destinataire, de gagner en efficacité et en qualité, et d’éviter les longs détours et les faux raccourcis. Toutefois, ce qu’il importe de retenir, c’est qu’un plan de rédaction bien écrit assure à l’auteur du texte d’emprunter le chemin le plus sûr pour aller à la rencontre du lecteur.

Et vous? Avez-vous l’habitude de commencer par écrire un plan de rédaction?

 

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